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Arthémix
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3 avril 2006

Le marcheur au paletot de plomb

L’une de mes promenades favorites, lorsque je me rend à Paris, consiste à descendre la rue de la Roquette, jusqu’à la place Voltaire, ou se trouve la statue de Léon Blum, cette statue stimule terriblement ma veine créatrice, et cette promenade est toujours un moment délicieux pour moi, elle m’inspire ce texte…

Léon le marcheur au paletot de plomb.

Quand l’autobus soixante neuf, dans un énième effort, grince de tout ses freins à tes pieds, je me sent frissonner de plaisir, Léon, je sais que tu est là, tu attend comme chaque jour et chaque nuit les passants aveugles qui t’ignorent et te contournent, moi, je frémis d’impatience d’apercevoir ta mince et frêle syllhouétte, dans un soupir gras et caoutchouteux, l’autobus entrebâille ses lèvres aux carreaux chargés d’empreintes de doigts à jamais digitalement anonymes, je m’extrais du véhicule collectif dans une bousculade de corps étrangers, ma bouche aspire l’arôme de bitume chargée de semelles fébriles et gourmandes…

Je m’approche doucement de ton socle de pierre, le contourne, enfin, je lève mon regard vers ta statue, et je frémis de sentir tout le poids de ta stature élancée vers le marais urbain, Léon…

Que tu as l’air déterminé drapé dans ta dignité de bronze, ton front têtu perce à jamais l’espace grisâtre du matin, tes frêles épaules se moquent de tout le poids immense des souffrances collectives qui habitent, prisonnières, ton paletot de fer gelé…

leondes_rtique

De ton pas immobile, tu t’élances courageusement à l’assaut de l’ultime rempart du geste sans mouvement, de l’intention inutile, de la parole sans son, du rêve avorté, ton immobilisme est la réponse dynamique et constructive à l’agitation d’un peuple mécréant, rassasié de soldes et de beignets garnis, qui s’offre sans retenue à la voracité du métropolitain…

Mes yeux durs s’amollissent et se liquéfient quand mon regard plonge dans tes lunettes de métal opaque, aveugles et verdâtres, elles reflètent toute l’agitation de ton âme minérale et pétrifiée, mais que t’ont-ils fait Léon ?...Léon ! Léon ! C’est toute la liesse d’un front fondu, dur et volontaire, populaire et bon enfant qui guide tes pas figés vers un avenir de retour en arrière, de par la volonté d’un artiste mandaté au service d’un fondeur d’illusions…

Il ne pourra jamais empêcher le vagabondage d’une libre bulle d’air chaud qui sillonne tes méninges de plomb glacée, rien ne peut empêcher désormais ton inébranlable volonté de marcher infatigable vers ta destinée monolithique et figée, mes pupilles gourmandes de vide remplis d’images et de couleurs contemplent le désordre subtil des déjections volatiles qui ornent,  telles une tignasse de savant fou, ta boite craniéne ferrugineuse et froide, comme une nuit sans rêve, sans cauchemar, sans espoir d’aucune sorte…

Je t’abandonne Léon, ton cache nez de fer te protége de l’odeur de tout les propos graciles et légers qui virevoltent dans le square qui porte ton nom, je me dirige d’un pas lourd de responsabilité vers la rue de Charonne, et les petites putains du boulevard Voltaire ricanent à mon passage, poussant d’une main volontaire les lourdes portes d’un bistro, leur estomacs repus de café crème et de croissants chauds.

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